mercredi 2 juillet 2014

Maléfique, Robert Stromberg, 2014

Walt Disney. L’homme comme la firme sont souvent critiqués sur de nombreux points, pour bon nombre de raisons, et pas forcément à tort. On ne peut cependant pas nier tout le travail qui a été mené sur les contes du monde entier : de la Belle au bois dormant à Aladdin, du Roi Lion à Mulan, Disney a participé à sa manière à la valorisation de ces histoires. On n’oubliera pas, sans entrer dans les détails, les progrès techniques dont la firme est à l’origine ; mais restons concentrés - pour aujourd’hui - sur les contenus. Alors oui, les contes vu par Disney peuvent être qualifiés de manichéens, critiqués pour la dimension moralisatrice qu’ils ont parfois (cf les contes originaux par Perrault ou Grimm), ou leur côté trop policé. Mais il y a aussi des amoureux de Disney ; dont je suis (même si certains de leurs choix ne me plaisent pas tellement ces dernières années.) Quoiqu’on en dise, Disney nous donne sa version des contes et en cela les œuvres Disney appartiennent au merveilleux. Bref, tout ça pour vous parler de leur dernier film, qui entre de plein pied dans cette catégorie : Maléfique. 
L’histoire donc l’histoire ! C’est celle de la Belle au bois dormant… racontée par la princesse elle-même, Aurore. Mais ici elle n’est pas l’héroïne ; c’est celle que l’on pense être la “méchante fée”, Maléfique, qui est au centre de ce film. On pourrait donc dire que l’histoire explique comment Maléfique est devenue méchante. Deux royaumes voisins, l’un habité par des hommes et gouverné par un roi cupide et dur, l’autre habité par des créatures magiques, dont la jeune fée répondant au nom de Maléfique. Un jour elle se lie avec un jeune humain qui, plus tard, entré au service du roi, va la trahir par ambition : il lui coupe les ailes et gagne en récompense de succéder au roi. Toute la suite de l’histoire est basée sur la haine, la rancœur de Maléfique d’avoir été à ce point trahie par celui qui, pour ses 16 ans, lui avait donné ce qu’elle croyait être un “baiser d’amour sincère”. Elle fera d’Aurore, la fille du roi, l’outil de sa vengeance... mais c’était sans compter ce qui reste de son cœur et Maléfique se met à aimer Aurore “d’un amour sincère”. 
Premier point positif : le conte originel est bien respecté. La seule différence que j’ai trouvé : qu’en est-il de la vieille femme chez qui Aurore se pique le doigt ? C’est plutôt sans importance au final. 
Second point positif : tout s’imbrique à merveille et rend une histoire - un conte - vraiment crédible. 
Troisième point positif : on est heureux que l’héroïne n’ait pas été affublée du visage vert que le personnage a dans le dessin-animé ! 
Quatrième point positif, et pas des moindres : un magnifique rendu visuel. De beaux graphismes, de beaux effets spéciaux et de beaux costumes, de superbes couleurs. Les ailes de la fée ne sont pas diaphanes mais puissantes, en accord avec le reste du personnage, avec cette assurance naturelle qu’elle a dès le départ. De son vol entre les montagnes à son envolée au-delà des nuages, de sa “bonne” magie - marquée par une nuée orangée - à sa “mauvaise” magie - marquée par des fumerolles vertes - en passant par les coiffures, les costumes, tout est visuellement réussi, soulignant les émotions du personnage, mieux encore que le visage de l’actrice. 
Cinquième point positif : le jeu d’Angelina Jolie, justement. Des émotions, juste assez retenues, pile dans l’idée que je me faisais du visage qu’une fée peut avoir pour marquer ses émotions, c’est à dire un visage assez peu expressif au final, tout en retenue.
Sixième point positif : la reprise de la chanson phare par Lana Del Rey... je vous laisse écouter
Dernier point, plutôt neutre : une sorte de “leçon” est bien présente (plusieurs en fait), mais elles sont sous-jacentes et moins marquées qu’une vraie morale : “l’amour sincère” existe, pas forcément où l’on croit ; et : le “mal” a un commencement. 
Je m’explique sur ce dernier point. Le film montre très clairement que si Maléfique “devient” le mal c’est à cause des hommes, de leur cruauté et de leur ambition, pour lesquelles ils trahissent “l’amour véritable”. Pour ma part j’y vois encore un peu plus profondément une morale écologiste (j’adore ça, m’en voulez pas) où la fée (et son royaume) représente la nature, corrompue par les hommes. 
D’accord c’est aller un peu loin. 

Pour finir, je dirais que c’est un “Disney” qui prend un peu le contrepied de ce à quoi la firme nous a habitué (bien qu'il reste un fond de manichéisme, ils peuvent pas s'en empêcher^^). C’est un film tout public, facilement regardable par les enfants, pourtant il me reste une impression de film qui s’adresse à un public plus âgé. “Out” les sentiments acidulés des contes Disney, enfin un conte moderne et en nuances.

mardi 3 juin 2014

Wika tome 1 : Wika et la fureur d'Obéron, T. Day et O. Ledroit

D’Olivier Ledroit je connaissais L’Univers féerique (deux tomes dans un coffret) avec ses belles fées aux ailes ciselées et aux doux noms (la fée verte Absinthe par exemple.) Je connaissais aussi de vue certaines de ses BD. De Thomas Day, je connaissais surtout le nom, sans en avoir jamais lu.

Dans ce premier tome on retrouve les classiques personnages que sont Titania et Obéron. Elle, mère d’une petite Wika et heureuse au côté du ténébreux Duc Claymore Grimm, lui, jaloux à l’extrême, alliée à une louve, et qui leur mène une guerre sanglante. Le Duc trépasse, Titania également, les ailes arrachées ; mais elle a pu faire mettre sa petite Wika en sécurité, lui faisant arracher les ailes pour qu’elle puisse cacher sa nature de fée. On retrouve alors la fillette, à l’adolescence, dans la cité capitale, Avalon, où elle se lie d’amitié avec un humain jusqu’à ce que sa nature soit découverte. Elle va alors fuir et peut-être tomber de Charybde en Scylla en rencontrant les fées noires.

Avec Wika, on ne peut que plonger, dès les premières pages dans le monde foisonnant des illustrations d’Olivier Ledroit. Chaque recoin de page recèle un trésor, pas un seul “pixel” mort : là un oeil, là une araignée, une plume, une feuille, un tatouage, une fleur… Certains peuvent trouver ça chargé mais en même temps c’est une réelle richesse de l’illustration qui fait de chaque page, de chaque scène un vrai tableau à contempler, à scruter, à étudier…
Quand aux scénarios, il est à tout point parfait pour ceux qui aime le merveilleux, apportant cependant une certaine modernité avec le tatouage de la jeune Wika et un côté résolument Steampunk car Obéron, en tyran exemplaire, est pris d’une sorte de folie technologique qui lui fait anéantir toute magie.

Un premier tome d’une série annoncée en 4 tomes, plutôt courte donc et dont j’attends la suite avec impatience pour découvrir d’autres tableaux chatoyants ou sombres, pleins de sensations et d’autres fées aux ailes incroyables.


Wika tome 1 : Wika et la fureur d'Obéron / Thomas Day et Olivier Ledroit, Glénat -2014 ; 72p. - 14,95€

vendredi 23 mai 2014

Martyrs, Olivier Peru

En ce temps féérique d'Imaginales, parlons peu, parlons bien, parlons Olivier Peru. Dame Hawkins vous a chroniqué Druide, je vous parlerai donc de Martyrs, et vous verrez que de temps en temps nos lectures ne sont pas si éloignées que ça, quand on nous réunit autour du mystère et de l’aventure.

Mais avant, laissez-moi ces quelques mots d’introduction au phénomène Olivier Peru, parce qu’il le mérite bien.
De temps en temps, dans ce monde, on croise des gens (subtilement énervants) qui semblent doués de tous les talents. Pas de suspens, l’auteur dont il est question en réunit une collection scandaleusement longue : il dessine brillamment (il fait ses propres couvertures, illustre ses romans et dessine des BD), est scénariste et auteur, et tous ceux qui l’ont aperçu en dédicace confirmeront qu’il est invraissemblablement sympathique. Je me souviens de la lecture de Druide, à une époque où je lisais très peu de fantasy française, et de m’être promis de suivre la carrière de l’auteur. Il m’aura fallu du temps avant de m’attaquer à Martyrs, mais m’y voilà.



Donc, en une terre médiévale imaginaire, furent les puissants guerriers Azerkers aux yeux d’or. Disposant de pouvoirs magiques, résistants et à la vie particulièrement longue, ils furent victimes d’un véritable génocide lorsque le Roi Karmalys décida d’imposer sa loi. Depuis, les quelques descendants des guerriers aux yeux d’or sont impitoyablement traqués et tués.
Le roman s’ouvre sur une scène de chasse à l’homme spectrale mettant en scène l’un d’entre eux, et c’est en y survivant avec lui que nous rencontrons nos deux héros, les frères Lancefall, Helbrand et Irmine. Tous deux sont assassins, parmi les meilleurs de la ville d’Alerssen, et hantés par la perte de leur famille décimée par les gardes royaux, ont développé un rapport fraternel extrêmement fort.
Mais voilà qu’en ces temps de trouble où le règne du Roi Karmalys est contesté, on leur propose une périlleuse mission…

Et je ne vous en dis pas plus. Le livre est bon, très bon, et gorgé de l’influence des maîtres anglo-saxons (George R.R. c’est évident, mais je me demande si une petite dose de Robin Hobb aussi…) Les personnages principaux sont profonds et très attachants. Leurs opposants sont aussi travaillés, et on ressent régulièrement une certaine compassion pour leurs actions les plus cruelles : Karmalys, le roi obèse, est tout autant insensible qu’il est pitoyable, et c’est un gage du talent de l’auteur que de réussir à nous faire éprouver tant d’émotion à son égard. Le scénario est savamment concocté et ses tours et ses détours vont vous coûter une petites part de vos nuits. Il y a du panache, du mystère, de l’humour et une histoire d’amour, des décors superbes, les belles illustrations de l'auteur : si ce n’est pas déjà fait, Martyrs mérite vraiment quelques heures de votre temps.
Qu’ajouter si ce n’est que ce premier tome met en place un univers très cohérent qui appelle un développement dans les tomes suivants ? Et qu’on attend la suite ?

A suivre, donc.

Martyrs, d'Olivier Peru, J'ai Lu, 16 €

mercredi 7 mai 2014

L'enfer des rêves, Théodore Roszak : vieilles ficelles et conservatisme éculé

Il est toujours difficile de parler d’un livre qu’on a pas aimé.
Parce qu’on n’est qu’un humble petit lecteur, qu’on ne sait pas tout, qu’on a sans doute mieux à faire que de coucher sur le papier des émotions loin de l’enthousiasme. Mais bon, contraignons-nous un brin.

J”ai toujours eu un faible pour la bonne grosse vieille horreur 90’s, au point de me faire une petite collec de vieux Pocket terreur, et d’avoir lu des trucs pas reluisants d’intelligence mais tellement bourrés d’action et d’astuces narratives que j’y trouvais mon compte. Donc, typiquement, la collection Néo, au Cherche-Midi (survivance des Nouvelles Editions Oswald, qui se spécialisaient dans la traduction de textes méconnus en France), j’y vais plutôt les yeux fermés. En plus, l’auteur dont il va être question dans un petit instant, Théodore Roszak, m’était complétement inconnu, tout en offrant de sérieuses garanties de qualité. En effet, sociologue et professeur d'histoire, il a travaillé sur la contre-culture avant de se mettre à écrire, et un de ces romans, La Conspiration des ténèbres, semble particulièrement apprécié des fans de fantastique. En surnuméraire, le résumé de la quatrième de couverture promettait d’être dépaysant. Chouette chouette chouette, me dis-je, une nouvelle saveur à se mettre sous la dent.




L’histoire se déroule dans les 80’s (date d’écriture du roman), et notre personnage principal, la douce et effacée Deirdre Vale, a la faculté d’observer les rêves des autres, et même d’y entrer et de les influencer. Malheureusement pour elle, ce genre de talents est recherché pour détruire la psyché d’hommes politiques et de militants.
Son mari lui-même s’est fait détruire ainsi, et la folie qui l’a pris ensuite a causé sa mort et celle des deux plus jeunes enfants de Deirdre.
Tentant de se remettre au sein d’une clinique psychiatrique, elle ne sait pas encore que son talent va être utilisé pour modifier les rêves de la nouvelle patiente, une mystérieuse religieuse Guatemaltèque, mi-sainte mi-sorcière, pressentie pour le Nobel de la Paix.

Tentant, n’est-ce pas ? Sur quelques plans, le roman est plutôt lisible : les quelques scènes de jungle au Guatemala sont prenantes, l’histoire de notre religieuse est intéressante, particulièrement dans son rapport très compliqué à ses pouvoirs de sorcière traditionnelle (élevée dans un pensionnat catholique, elle s’interdit d’utiliser cette partie de ses dons, qu’elle considère comme un pêché). L’idée d’utiliser les rêves comme thème du roman est intéressante, et la première scène où Deirdre observe un rêveur est pleine de vulgarisation psychanalytique.
Il y a bien sûr des faiblesses que l’on retrouve dans tous les romans d’horreur de cette époque : du sexe gratuit et pas très bien fichu, des personnages caricaturaux dans leur pureté ou leurs faiblesses, et quelques péripéties mal amenées (la rencontre méchant-fille ado de Deirdre, par exemple, mal raccrochée à la trame narrative principale).
On ne parlera pas de l’héroïne, qui comme dans beaucoup de romans de cette époque est une pauvre chose fragile exclue de l’action, qui agit uniquement dans les rêves et exclusivement en jouant avec le désir des hommes.
Pas très bon, donc, mais jusque là rien qui puisse me faire lâcher le bouquin pour me frapper le front de consternation.

Sauf que. Plus loin dans la lecture, on découvre que l’opposant de l’histoire est homosexuel, et l’auteur a une vision de l’homosexualité si embrouillée qu’on ne sait jamais s’il est homo parce qu’il est méchant ou parce qu’il a été maltraité tout jeune. Pour l'auteur (au moins dans ce roman-là), et c’est visible lors des scènes oniriques où ledit personnage attaque des innocents dans leurs rêves, l’homosexualité est clairement à ranger du côté des perversions sexuelles. La preuve, Notre méchant est aussi haineux, addict au porno, drague des adolescentes mineures et aime détruire les autres: Roszak lui a collé dessus toutes les casseroles que son esprit d’intellectuel middle class américain a pu imaginer, et a ajouté l’homosexualité au tableau. Il ne s’est pas arrêté là : dans une série de flash-backs, on découvre que le mari défunt de Deirdre, parfait américain à succès, a été torturé dans ses rêves pour le faire “devenir” homosexuel et donc, une chose en amenant une autre, criminel… Sauf que ces délires en roue libre, complètement improbables, donnent au roman un arrière-goût si franchement détestable qu’il en est difficile de poursuivre sa lecture. Que cela est pût être édité sans peine en 1985, alors que l’horreur était un genre à succès et qu’on était peu regardant sur la bête, pourquoi pas. Mais lire ce genre de choses en 2014 m'a mise particulièrement mal à l'aise.

Des preuves de l’indubitable conservatisme de certains auteurs vedettes de cette littérature, il en existe des tonnes : que l’on compte le nombre de personnages principaux policiers chez Dean Koontz, Stephen King ou Herbert, le nombre de “créatures” s’attaquant à des femmes vulnérables… Mais avec le passage du temps, et l’évolution des mentalités, un écrémage s’est progressivement fait dans cette production, et ceux que l’on considère encore de nos jours sont finalement ceux dont les oeuvres étaient déjà les moins manichéennes.

Lire les vintages de l’horreur signifie donc pour une bonne part jouer aux dés, et si l’on est malchanceux, tomber sur ce genre de lectures déplaisantes. Cela ne m’empêchera pas de rejouer, et d’essayer un autre Roszak (le fameux "Conspiration des ténèbres") pour me faire une idée, mais je crois que pendant un petit moment, je vais passer mon tour.

L'enfer des rêves / Théodore Roszak. Le Cherche-Midi, collection Néo, 2008. 20 €

samedi 12 avril 2014

Fille d'Hécate (tome 1 et 2) - Cécile Guillot

Voilà un peu moins d’un an, je vous parlais de Wicca de Cate Tiernan. Je ne peux pas, aujourd’hui, vous parlez de Fille d’Hécate de Cécile Guillot, sans faire le lien.


Côté histoire : Tome 1 : La Voie de la Sorcière. Maëlys est une jeune femme, orpheline, qui ne connaît pas ses origines. Au détour d’un couloir de fac, elle tombe sur un beau ténébreux, Alexandre, qui va la faire participer à des expériences “paranormales” ce qui révèlera la vraie nature de Maëlys : elle possède, de manière héréditaire apprendra-t-elle plus tard, certains “pouvoirs”, un don, comme une forte empathie. Dans le second tome Le Parfum du mal, Maëlys va aider la police dans une affaire de meurtres qui ressemble trop à des rituels pour ne pas avoir un lien avec le “monde magique”, celui des sorcières et des nouveaux amis de Maëlys.

Les deux tomes sont assez courts (138 et 160 pages) et se lisent vraiment bien. Le style est simple et permet de s’identifier aux personnages, de rentrer dans l’histoire. D’autant plus que les quelques évènements “magiques”, “paranormaux” sont présentés de façon tout à fait normal, sans exagération. Je dirais sans la touche “U.S.” que l’on peut trouver dans les grandes séries. Et le tout se passe dans le sud de la France, entre Aix-en-Provence et Marseille. Enfin une histoire qui se situe dans nos bonnes vieilles universités, dans un système éducatif que l’on imagine bien! Et même si ce décors est finalement peu présent, il contribue conséquemment à créer une atmosphère bien française ; c’est appréciable.

Et pour ne rien gâcher, l’auteur - adorable - s’est clairement documentée (à moins qu’elle soit elle-même Wiccane?), preuve en est des citations de Doreen Valiente, grande figure du mouvement, en début d’ouvrages ainsi que des quelques notes en fin de livre.



Alors j’ai à peu près réussit à éviter la comparaison mais finalement si j’ai aimé Wicca (4 tomes bien épais), j’ai tout autant aimé les deux tomes de Fille d’Hécate, pour leur simplicité et leur efficacité.






Fille d’Hécate, T.1 et 2 / Cécile Guillot, édition Le Chat noir - 2012 (2e tirage) et 2013 ; 138 et 160 p. - 11,90 € et 14,90 €

mardi 25 mars 2014

Le Chant des Brumes - Collectif

Le Chant des Brumes se présente comme un album ou plutôt, vu la longueur de texte, comme un roman illustré. C’est un beau livre carré, épais de 114 pages et entièrement illustré en couleur. Les 4 auteurs - Laurent Miny , Yoann Lossel , Christelle Grandjean, Ozegan - ont tous de près ou de loin, un lien avec la magique Brocéliande ; et leur amour de cette nature “magique” apparaît bien ici. Enfin, l’on doit l’édition de cet ouvrage à Jean-Luc Istin, directeur de la collection Celtic chez Soleil et qui, décidément, fait de jolis choix éditoriaux.


L’histoire, entre rêve et réalité, entre terre et brumes, entre notre monde et faerie, est rempli de poésie. c’est aussi une sorte de quête initiatique un peu différente de celle que l’on peut croiser habituellement : un homme d’âge mûr, qui vient de perdre son père retourne sur les lieux de son enfance. Au milieu d’une balade en barque, les souvenirs reviennent et il va glisser dans l’autre monde. Là il retrouve d’anciens “amis”, ceux dont sa mère trop tôt disparu lui contait les histoires. Mais cette venue va quelque peu chambouler le rythme de faerie et l’homme devra aider ses nouveaux amis à rétablir l’ordre des choses...jusqu’à peut-être, renoncer à sa vie humaine et se montrer digne de vivre dans l’autre royaume.


L’histoire est belle et poétique. Mais, en partie écrite par un conteur j’en suis venue à me demander si le rendu ne serait pas meilleur à l’oral ; il y a en effet tout un vocabulaire de ce monde féerique, inventé pour cet ouvrage…. et notamment sur la fin, ce vocabulaire foisonne et si l’on comprend l’ensemble il est difficile de se faire une image de chaque détails.

Au final, un bel ouvrage, un beau conte que l’on prend plaisir à découvrir ou à faire découvrir.

Le Chant des Brumes / Laurent Miny , Yoann Lossel , Christelle Grandjean, Ozegan. Soleil, 2010. 29.95€.

mercredi 5 mars 2014

Editions de l'Oxymore

Les Editions de l’Oxymore. Peut-être ce nom ne vous dit rien. Et pour cause, cet éditeur, spécialisé dans les littératures de l’Imaginaire n’existe plus. Petit retour sur ses heures de gloire.

 

Fiche identité

Nom : Editions de l’Oxymore
Naissance : mars 1999
Décès : Juillet 2006
Poids : 7 collections
Taille : environs 50 ouvrages

Parent responsable : Léa Silhol
Logo : représente un miroir


Particularité: tremplin pour un certain nombre d’auteurs français aujourd’hui primés, ou au moins reconnus.

Pourquoi je les adore

 

Pour moi c’était LA maison d’édition de qualité, tant sur le fonds (thèmes divers, textes inédits, magnifiques, travaillés, ciselés…) que sur la forme (collection homogène, avec une identité propre mais dans un seul et même style…)

Zoom sur une œuvre

La Tisseuse, contes de fées, contes de failles

Est un recueil de nouvelles de l’auteur/éditrice Léa Silhol. J’aime beaucoup ce qu’elle fait car c’est la plupart du temps très poétique et vraiment ciselé. Cet ouvrage ne fait pas exception et est pour moi vraiment emblématique de ce qu’elle écrit.
La forme d’abord. C’est une réédition (2004) des Contes de la Tisseuse - Cinq saisons et un élément paru chez Nestivqnen en 2000, augmentée, agrémentée… mais profitant de son statut d’éditrice, l’auteur en fait un véritable bel objet. Je possède pour ma part l’édition moirage (l’édition fission étant la version “collector”.) D’un format presque carré, la couverture illustrée par Jean-Sébastien Rossbach est de toute beauté : une femme/fée aux cheveux d’or, sur un fond vert, des ciseaux d’or coupant des mèches. Bref la voilà :




Le fonds ensuite. Composé en 5 parties, quatre saisons et une novella, sur le thème de l’eau, passant par tous ses états : de la brume à la glace, de la rosée au givre, du miroir à d’autres mondes. C’est évidemment fantasy, c’est éminemment poétique. J’ai peine à vous décrire plus avant ce recueil car, comme peu de livre que je connaisse, il faut le “vivre”, le découvrir. Je vous propose plutôt de vous mettre l’eau à la bouche avec le texte d’ouverture du recueil que vous trouverez dans un prochain article.

Dans mon métier de bibliothécaire, je m’attache à promouvoir les littératures de l’imaginaire. Et en vous écrivant cet article, je ne peux que penser à cette bénévole qui me disait aimer la poésie et peu les littératures de l’imaginaire ; je crois que la lecture que je lui ai faite de ce texte lui a fait réviser son jugement.




Leur catalogue au complet

 

Collection d'essais Comme des Ozalids

Léa Silhol, Vampire : Portraits d'une ombre, octobre 2004
André-François Ruaud, Le Dictionnaire Féerique, mars 2002
Alain Pozzuoli, Dracula : Le Lexique du Vampire, mai 2005
Jérôme Noirez, Encyclopédie des Fantômes et des Fantasmes, novembre 2005

Collection fantastique Manières noires

Robert Weinberg, Le Baiser de l'Homme Mort, juillet 2000
Tanith Lee, La Danse des Ombres, septembre 2005
   Ce titre est le premier d'une trilogie de Tanith Lee, L'Opéra de sang, dont seul le premier volume (La Danse des ombres donc) a pu sortir avant la faillite de la maison d'édition

Collection Gemmail

Tanith Lee, Écrit avec du Sang (Léa Silhol dir.), juin 2002
 

Collection fantasy Moirages

Storm Constantine, Enterrer l'Ombre, juin 2001
Storm Constantine, Exhumer l'Ombre, novembre 2001
Léa Silhol (dir.), Traverses, juillet 2002
Léa Silhol, La Sève et le Givre,
Tanith Lee, Aara ~ Aradia I, novembre 2003
André-François Ruaud (dir.), Magie Verte, novembre 2003
Léa Silhol, La Tisseuse, janvier 2004
Tanith Lee, Thenser ~ Aradia II, avril 2004
Léa Silhol, Musiques de la Frontière, novembre 2004

Collection recueils francophones Épreuves

Ep/S1 : Claude Mamier, Récits des Coins d'Ombre, avril 2003
Ep/S2 : Léa Silhol, Conversations avec la Mort, mai 2003
Ep/S3 : Léo Henry, Les Cahiers du Labyrinthe, septembre 2003
Ep/S4 : Mélanie Fazi, Serpentine
Ep/S5 : Jess Kaan, Dérobade, mai 2004
Ep/S6 : Armand Cabasson, Loin à l’Intérieur, mai 2005
Ep/S7 : Lélio, Douze Heures du Crépuscule à l'Aube, septembre 2005

Anthologie périodique à thème Emblèmes

Chaque volume rassemble autour d'un thème nouvelles françaises, articles de fond et traductions originales.

Emblèmes 1 : Vampyres, Léa Silhol (dir.), février 2001
Emblèmes 2 : Sortilèges, Natacha Giordano (dir.), mai 2001
Emblèmes 3 : Momies, Alain Pozzuoli (dir.), août 2001
Emblèmes 4 : Rêves, Natacha Giordano (dir.), décembre 2001
Emblèmes 5 : Venise Noire, Léa Silhol (dir.), février 2002
Emblèmes 6 : Extrême Orient, Greg Silhol (dir.), août 2002
Emblèmes 7 : La Mort / ses Vies, Léa Silhol (dir.), novembre 2002
Emblèmes 8 : Cités perdues, Alain Pozzuoli (dir.), février 2003
Emblèmes Hors-Série 1 : La Mort / ses Œuvres, Léa Silhol (dir.), mars 2003
Emblèmes 9 : La Route, Jess Kaan & G. Silhol (dir.), mai 2003
Emblèmes 10 : Sociétés secrètes, Alain Pozzuoli (dir.), septembre 2003
Emblèmes 11 : Doubles & Miroirs, Léa Silhol (dir.), décembre 2003
Emblèmes 12 : Polar, Sire Cédric (dir.), mars 2004
Emblèmes Spécial 1 : Tanith Lee, Léa Silhol (dir.), juillet 2004
Emblèmes 13 : La Mer, Natacha Giordano (dir.), juillet 2004
Emblèmes 14 : Les Portes, Antoine Lencou (dir.), octobre 2004.
Emblèmes Hors-Série 2 : Les Fées, Léa Silhol (dir.), novembre 2004
Emblèmes 15 : Trésors, Estelle Valls de Gomis (dir.), janvier 2005

Emblèmes 16 : Cinq sens, octobre 2005 - Introuvable
Emblèmes 17 : Guerriers, février 2006 - Introuvable
Ces deux derniers volumes, avec un second tome de “Traverse” dans la collection Moirage constituent une vraie légende : ils auraient été imprimés, en très peu d’exemplaires mais jamais distribués...


Collection anthologies thématiques Emblémythiques

Emblémythique 1 : Ainsi soit l’Ange, Léa Silhol (dir.)
Emblémythique 2 : Il était une Fée, Léa Silhol (dir.)
Emblémythique 3 : Lilith et ses Sœurs, Léa Silhol (dir.)
Emblémythique 4 : Chimères, Natacha Giordano (dir.), mai 2003
Emblémythique 5 : Mythophages, Léa Silhol (dir.), septembre 2004

mardi 25 février 2014

La Lignée (The Strain), Chuck Hogan, Guillermo Del Toro

Après cette longue pause qui m’a permis de me débecter de romans pas si bons que ça (et dont on ne parlera du coup pas du tout), revenons à nos chroniques avec un bon morceau bien saignant, j’ai nommé La Lignée (The Strain en VO).

Les pauvres vampires ont bien souffert ces dernières années : de sauvages immortels ils sont devenus acteurs pornos (True Blood), fiancés parfaits pour midinettes (toute la Bit’litt), voire l’ultime croisement scintillant avec les elfes (oui ne crois pas que je ne t’ai pas vu te cacher derrière les autres, Twilight, c’est bien de toi que je parle, et t’as pas fini d’avoir honte, mon petit).

Mais du coup, leur image de terreur de la nature en a pris un sacré coup, et on n’avait plus rien à se mettre sous la dent, nous autres lecteurs.



Gloire en soit rendue à Guillermo Del Toro et Chuck Hogan, les vampires sont de retour, et ils sont en pleine forme.

Tout commence de nos jours avec un mystérieux avion qui se pose à New York toutes lumières éteintes. A bord, presque tous les passagers sont morts, et un mystérieux cercueil de bois est retrouvé. Alors que police, sécurité intérieure et médecins en sont encore à s'interroger, les corps se raniment et commencent à manifester leur soif de sang à leur famille proche. Quand au mystérieux cercueil de bois, il contient Sardu, Maître des vampires, bien décidé à apporter l’apocalypse aux États-Unis, et à mener une vieille vengeance personnelle…

The Strain commence avec une première scène d’anthologie, si prenante et si cinématographique qu’elle ne peut pas ne pas avoir été pensée pour l’écran. Dès ces premières pages (un conte de grand-mère magistralement raconté dans les années 30), Hogan et Del Toro nous attrapent et nous lâchent plus : de scène en scène, l’action ne cesse jamais, empilant les émotions et le grand spectacle pour obtenir des séquences visuellement marquantes. Que cela soit au coeur de la nuit, dans une morgue froide, ou dans un riant pavillon de banlieue, la mort guette et s’apprête à frapper dans un suspens si bien dosé qu’on en retient presque son souffle en tournant les pages.

Quelques scènes brillent par leur originalité : enfin on tente de disséquer un vampire, et le duo d’auteurs nous présente sa vision du fonctionnement vampirique (un peu improbable, mais elle a le mérite d’être originale). L’évolution des corps vers le vampirisme est très intéressante également, et on appréciera le personnage de Gabriel Bolivar, chanteur de rock vampire évoquant très fortement Marilyn Manson.


Mais ce savoureux travail, très pop, possède également de sérieux défauts : un scénario qui perd beaucoup à s’appuyer autant sur le mythe de Dracula (la scène d’arrivée en avion est un copié-collé de l’arrivée en bateau chez Bram Stocker, par exemple) et des clichés scénaristiques difficilements pardonnables : j’aimerais assez qu’on arrête de replonger en plein Nazisme pour expliquer tout et n’importe quoi dans la culture pop, qu’il s’agisse des gros muscles de Wolwerine, du lasso d’Indiana Jones, aux grondements de Godzilla et j’en passe et des meilleures… Les mecs, ça suffit, trouvez autre chose, là ce n’est plus du réchauffé, c’est du Picard cheap que notre micro-ondes mental n’arrive plus à rendre mangeable.

Un autre gros point noir réside dans les personnages, si caricaturaux qu’on peine à ressentir la moindre sympathie à leur égard : le professeur Setrakian, remplaçant de Van Helsing, est si visiblement calqué sur son illustre modèle qu’il en devient ridicule, Ephraïm Goodweather, le héros, boit du lait (et oui, c’est blanc, à l’opposé du sang que consomment les vampires, comme c’est fin et bien trouvé) et se dispute avec son ex-femme la garde de son fils. Cette dispute familiale, notamment, est si mal menée et sans intérêt qu’on saute tant qu’on peut ces passages en croisant les doigts pour qu’ils ne se reproduisent pas trop.

Bien sûr, il semble évident que ces personnages caricaturaux sont des archétypes, comme en BD, et qu’on est censés les accepter tels quels, mais ils sont malheureusement bien trop mal fichus pour qu’on puisse réellement apprécier ce qui leur arrive.



Du coup, le roman ressemble par endroit à une partie de Donjons et Dragons entre adolescents, et c’est un peu dommage, vu l’efficacité de la narration et la régularité des bonnes idées.

Enfin, c’est distrayant quand même, le Maître est une sale teigne menaçante et puissante, ne boudez donc pas votre plaisir.



The Strain est le premier volume d’une trilogie, a été adapté en comics chez Dark Horse Comics (écrit par David Lapham, dessins de Mike Huddleston), et se verra adapté en série télévisée cette année (sur FX, showrunner Carlton Cuse, qui était derrière une partie des scénarios de Lost). Espérons que cela sera moins répétitif que Walking Dead, et welcome back, les vampires.



La lignée / Chuck Hogan, Guillermo Del Toro. Presses de la Cité, 2010. 21,50 €