jeudi 26 septembre 2013

Deux aventures londoniennes comparées : Londres / Neverwhere

Londres, ses méandres historiques, ses particularités culturelles, son ambiance si unique… Nulle ville n’est plus que Londres lieu de l’imaginaire, lieu de fééries et de dangers.
Il serait intéressant de compter le nombre de romans fantastiques où Londres tient la première place, mais, pour l’heure, réservons-nous deux morceaux de choix : le célèbre Neverwhere de Neil Gaiman, et le non moins intéressant Lombres, de China Miéville.


Neverwhere date de 1996, et figure parmi les tout premiers textes de fantasy urbaine à avoir connu une traduction française. Ce n’est que le deuxième roman de Neil Gaiman (pour le prédécent, De Bons Présages “Good Omens” il était le co-auteur de Terry Pratchett). Neverwhere a reçu un accueil remarquable, et reste l’un des textes cultes de Neil Gaiman, qui continue à émerveiller ses fans en promettant toujours une éventuelle suite. Le roman a été ensuite adapté en bande dessinée, au théâtre, en adaptation radiophonique… ce qui permet de se faire une idée de son extraordinaire popularité.
L’histoire (en rapide) : Richard Mayhew a une petite vie Londonienne étriquée, et une fiancée odieuse. Son destin bascule lorsqu’il vient au secours d’une jeune fille blessée, Clé, qui semble être le lien entre le Londres commun et le mystérieux Londres-d’en-dessous.


Lombres (Un Lun Dun en anglais) est paru en 2007. C’est le sixième roman de China Miéville, et le tout premier destiné au jeune public. Le roman est illustré des dessins personnels de China Miéville, et a remporté en 2008 le Prix Locus du meilleur roman dans la catégorie Jeune Adulte.
L’histoire (en rapide) : Zanna et Deeba sont deux amies très proches, âgées d’une douzaine d’années. Témoins de phénomènes étranges, elles se retrouvent par accident dans Lombres, un sous-Londres déviant, où il semble que l’une d’elles aie une important rôle à jouer.

Dès les premiers chapitres, de nombreux points communs émaillent ces deux textes, issus du même genre romanesque, de deux jeunes auteurs Londoniens écrivant de l’urban fantasy. Tout d’abord, nos deux anti-héros : le sympathique Richard Mayhew d’une part, qui se fait constamment humilier par divers personnages, la petite Deeba d’autre part, dont on nous dit qu’elle est gentille, rondouillette, et qu’elle n’a rien de remarquable, au point que si l’une des deux filles doit être une héroïne, c’est bien Zanna, son amie (ce qui est à l’origine d’un très joli retournement de situation). Tout deux viennent de milieux les plus traditionnels possible.
Le Lombres et le Londres-d’en dessous, ensuite, sont tout à la fois semblables et dissemblables : reliés au Londres original, ils en sont une pâle copie, pleine de dissonances, à l’existence fragile et exigeante. La vie dans les sous-Londres est passionnante, mais exclusive : en une belle métaphore de la lecture, celui qui choisit la ville fantasme est oublié, et disparaît de la vraie Londres. Les allers-retours ne sont pratiquement pas possibles.
Enfin les deux romans se rejoignent par de multiples références à l’histoire de la ville comme le Clean Air Act, les moines de Blackfriars, ou le pont de Knightsbridge. Dans les deux romans, l’épisode des moines qui attendent indéfiniment un épisode sacré est résolu avec humour et originalité.
Mais là s’arrêtent les ressemblances.
Car autant le Londres-d’en-dessous est tout aussi malpropre, et dangereux qu’il est merveilleux, et les horribles MM. Crouch et Vandemar sont authentiquement malfaisants : ils torturent et tuent avec une joie sadique. Le Londres-d’en-dessous est un Londres mythique, habité de créatures exemplaires (la Guerrière, le Vieux Roi, l’Ange), où les aventures sont le tissu de la légende, mais aussi un lieu de précarité, où les sans-abris habitent les lisières, où l’on mange du rat et où la traversée d’un pont peut générer de tels cauchemars que nul ne vous reverra jamais. Un Londres dystopique, d’autant plus merveilleux, donc, qu’il plonge ses racines dans notre Londres connu, et entremêle des récits historiques.
Lombres, en revanche, est un vrai pays merveilleux à la Alice, subtilement double : les cartons de lait sont de mignons animaux de compagnie, le couturier poéte coud des vêtements faits de pages de livres, on se bat avec des barrapluies, et les bus à impériale volent dans les cieux, chaque page bruisse de mille inventions soulignées par les dessins de China Miéville, eux aussi tout autant surprenants qu'inquiétants. Les deux méchants sont plus ouvertement politiquement corrects : la pollution de Londres, le “Smog”, assisté par Brokenbroll, le maître des parapluies cassés. Le roman, réussite, lui aussi, est clairement destiné à un lectorat plus jeune : la petite Deeba, quand un choix lui sera offert, ne fera pas le même que Richard. Pour autant, loin de toute facilité, l’objectif de Miéville est de montrer que n’importe qui, animé de bonnes intentions et d’un peu d’enthousiasme, peut sauver Lombres. Son personnage ne s’appelle-t-elle pas elle-même la Non-Choisie ?

En conclusion, deux romans superbes, réussites du genre, qui présentent de nombreuses ressemblances, et ne se distinguent que par le public auquel ils sont destinés et le traitement qui en a été fait. Personnellement, je suspecte fortement China Miéville, qu’on sait grand lecteur, d’avoir été si séduit par Neverhere qu’il a choisi d’en livrer sa propre version. La postface de Lombres se conclut d’ailleurs par les remerciements de Miéville à Gaiman pour “son indispensable contribution à la fantasmagorie Londonienne…”

Neverwhere / Neil Gaiman. J'ai lu, 7,80 €
Lombres / China Miéville. Pocket Science Fiction, 9,10 €

lundi 9 septembre 2013

Druide - Olivier (Oliver) Peru

Sur une terre, 5 “royaumes” : au Nord, les rois du Sonrygar et du Rahimir, toujours en querelle, séparés par une faille immense : la Cicatrice. Au Sud, les Tribus unis (qui ne seront qu’évoquées) et entre les trois, la Forêt, l’espace sacré de neutralité, le royaume des hommes de sèves, les Druides, gardien du Pacte ancien et arbitre des hommes. Le long de leur frontière Est, un mur aux fondations profondes les sépare du Coeur noir de la forêt, royaume d’un être maléfique appelé le Rôdeur,dont l’origine semble provenir de la nuit des temps, et qui hante les contes pour enfants.

Tout d’abord, je me dois de vous parler des Druides puisqu’ils sont au centre de l’histoire. Les Druides possèdent le Don,c’est à dire qu’ils sont sensibles aux ressentis d’autrui et peuvent pénétrer les pensées. Il y a 4 ordres : les Corbeaux, des érudits gardiens du savoir qui s’occupent des bibliothèques, les Ombres qui possèdent le Don le plus développé, pouvant dissocier corps et esprit et se lier avec la forêt, les Cerfs, gardiens de leur cité, la Cité-Racine, et qui veillent aussi sur la Forêt et enfin, les Loups, aventuriers, explorateurs, ceux qui se mélangent parfois aux hommes.

Je ne vais pas vous résumer Druide, ce serait trop vous ôter la découverte d’une histoire complète, complexe et bien montée. Pour faire simple et court : un Druide doit empêcher une guerre et lutter contre un mal ancestral qui menace les royaumes des hommes.

J’ai pu lire certaines critiques, avec lesquelles je ne suis pas d’accord : ce n’est pas cousu de fil blanc, le traître n’est pas simple à découvrir et au contraire, le lecteur ne peut, à l’instar des personnages, ne se fier réellement sur aucun d’eux. L’intrigue est bien menée, en douceur (et cruauté) sur 511 pages. La plume d’Olivier Peru est belle et simple.
Je trouve cet ouvrage particulièrement intéressant pour la figure du Druide. Habituellement guérisseurs, ils sont ici plus juges et arbitres, proches de la nature mais sans paraître irréels, restant tout à fait humains ; ils sont des hommes de biens, pacifiques jusque dans leurs mots. Ils n’engendrent pas (bien qu’il y ait des druides et des druidesses) mais élèvent les enfants abandonnés.

Visuel  de base pour la couverture de "Druide" - par Olivier Peru (ça fait un joli fond d'écran xD)

Si vous cherchez une histoire de fantasy, en un volume, d’où se dégage à la fois calme et horreur, une paix de la Nature et la rage des batailles, des histoires de créatures maléfiques et de pouvoirs psychiques… n’hésitez surtout pas, voilà un très bon livre que je vous recommande.


NB : a reçu le prix Imaginales des lycéens 2013 et le prix révélation 2011 des Futuriales.
Druide / Olivier Peru, Eclipse - 2010 ; 511p. - épuisé. (Version poche disponible : 8,90€)